Vers la mort de la pilule contraceptive ? – Les Inrockuptibles

En matière de contraception, la pilule n’est plus le nec plus ultra. C’est du moins ce que révèlent les données du baromètre santé de Santé publique France à la veille de la Journée mondiale de la contraception (le 26 septembre de chaque année depuis 2007). L’étude a été menée en 2016 auprès de 4 315 […]

Les dernières données de l’agence Santé publique France révèlent que la désaffection envers la pilule contraceptive se poursuit, au profit d’autres dispositifs à l’instar du stérilet.

En matière de contraception, la pilule n’est plus le nec plus ultra. C’est du moins ce que révèlent les données du baromètre santé de Santé publique France à la veille de la Journée mondiale de la contraception (le 26 septembre de chaque année depuis 2007). L’étude a été menée en 2016 auprès de 4 315 femmes âgées de 15 à 49 ans. Et pour la mener à bien, les experts de santé publique se sont posé deux questions: quelles sont les méthodes contraceptives utilisées par les femmes en France ? Et ces techniques ont-elles évolué, à travers les âges et les crises ?

L’interrogation subsidiaire n’est pas sans évoquer la « crise des pilules » de 2012, où des centaines de femmes ont porté plainte contre les pilules de troisième et quatrième générations en raison de leur risque de thrombose voire d’AVC. Et si elle ne lui a pas été fatale, ladite crise a indiscutablement porté préjudice à la pourtant si plébiscitée pilule, qui se voit davantage boudée au profit du stérilet, du préservatif et de l’implant. Ce qui ne l’empêche pas de conserver son leadership.

La pilule n’a plus autant la cote

Moyen de contraception actuellement numéro un en France, la pilule perd pourtant chaque décennie un peu plus d’adeptes. Entre 2013 et 2016, le recours à la contraception orale a baissé de 3,1 points. Alors que 40, 8 % des femmes prenaient la pilule (lorsqu’elle est associée au préservatif, ce chiffre monte à 45 %) en 2010, elles ne sont qu’un peu plus d’un tiers (33,2 % ; 36,5 % avec le préservatif) en 2016.

Cette tendance n’affecte pas les jeunes filles : les 15-19 ans louent encore les vertus de la pilule à 60,4 % (dont 16 % l’utilisent avec le préservatif). Mais, à partir de 25 ans, cette méthode passe sous la barre des 50 %, pour ne plus concerner qu’un tiers des femmes (33,5 % et 35,4 % avec le préservatif) entre 30 et 34 ans.

Génération « post-pilule »…

De nombreux facteurs peuvent expliquer l’apparition de cette nouvelle génération « post-pilule ». La peur des changements hormonaux et des effets secondaires (nausées, migraine, prise de poids) arrive en tête de liste. « La nouvelle génération craint davantage des multiples complications qui peuvent être liées aux hormones. Je rencontre souvent des jeunes patientes inquiètes sur l’existence ou non d’un lien entre la prise de la pilule et leur fertilité ou le risque de cancer…” nous explique Jérôme Bouaziz, gynécologue obstétricien.

L’effet de la pilule sur le risque de développer un cancer a fait l’objet d’un long débat scientifique durant la dernière décennie, car il est difficile à démontrer. Derniers résultats en date : si la pilule augmente effectivement le risque de certains cancers – sein, col de l’utérus et foie – de manière minime, elle diminue surtout le risque d’autres cancers – notamment ceux de l’ovaire et de l’endomètre – et ce de manière beaucoup plus manifeste. Ce qui n’empêche pourtant pas les jeunes femmes de s’en méfier.

Autre élément de réponse, la conscience écologique. L’expert médical est catégorique : « Les femmes sont plus sensibles au ‘bio’ et au ‘naturel’ qu’autrefois. Le public va réfléchir à deux fois avant de prendre des antibiotiques. Et à juste titre, il va aussi bien réfléchir avant ‘d’imposer un ajout d’hormones’ à son corps. Les hormones n’ont clairement pas bonne presse depuis quelques années et sont devenues une cible fréquente d’attaques aussi bien dans le domaine alimentaire que médical. » Sans compter sur la crise de 2012, qui a considérablement accéléré la tendance : les plus jeunes utilisatrices ont soudainement perçu la pilule comme un médicament aux résultats aussi imprévisibles que néfastes.

Enfin, pour le médecin, l’aspect « pratico-pratique », loin d’être un simple détail, est aussi à prendre en compte : “L’implant contraceptif dans le bras, patch contraceptif, anneau vaginal , stérilet, préservatif… Tous ces moyens ne nécessitent pas une prise quotidienne, et sont donc moins contraignants. »

… et « pro-stérilet »

Le rejet partiel de la pilule permet à d’autres dispositifs de sortir de l’oubli. C’est notamment le cas du stérilet ou DIU (dispositif intra-utérin) qui voit sa notoriété monter en flèche. « J’ai une patiente par semaine qui me demande d’en poser un », atteste le Dr Tiphaine Beillat, obstétricienne dans une clinique privée de Rouen, à nos confrères du Monde. Une méthode qui attire même les plus jeunes (4,7 % des 20-24 ans en 2016 contre 1,6 % en 2010) et connaît un pic de popularité chez les 25-29 ans (6,9 % en 2010 ; 19 % en 2016). La trentaine passée, les femmes l’utilisent dans les mêmes proportions que la pilule. Puis il passe en tête chez les plus de 35 ans (34,6 % pour les 35-39 ans).

Est ainsi née une mouvance « pro-stérilet », en dépit d’une certaine hésitation des gynécologues, récalcitrants à l’idée de poser un stérilet à une femme n’ayant pas eu d’enfant. Beaucoup craignaient une infection des trompes, quand d’autres avouaient simplement un manque de formation et donc de connaissance pour réaliser la procédure. Pour éviter les professionnels les plus frileux, des sites Internet répertorient les gynécologues « women-friendly » qui respectent le choix des patientes et manient l’art délicat de la pose de DIU.

Le préservatif arrive juste derrière le stérilet comme substitut à la pilule. Les 25-29 ans lui trouvent aujourd’hui beaucoup plus d’intérêt qu’il y a six ans (16 % en 2016 contre 8 % en 2010). L’implant, lui, fait une percée chez les 20-24 ans (de 4,1 % à 9,6 % entre 2013 et 2016). A Delphine Rahib, chargée d’étude à l’unité santé sexuelle de Santé publique France, de commenter ces chiffres : « Soit elles abandonnent la pilule pour des méthodes à l’efficacité plus élevée (DIU, implant), soit au contraire, pour le préservatif, certes efficace contre les infections sexuellement transmissibles mais moins sur le plan contraceptif.”

La survivance de la contraception orale

Et même si la pilule baisse, il n’y a pas pour autant « de désaffection vis-à-vis de la contraception« , poursuit l’étude. Ainsi, la proportion de femmes déclarant n’utiliser aucune méthode est en baisse avec 8 % en 2016 contre 9,1 % en 2013 et 13,6 en 2010. Il faut dire que depuis 1967, avec la légalisation de la contraception, les méthodes se sont largement diversifiées.

Si bien qu’aujourd’hui, les femmes ont désormais plus d’une dizaine d’alternatives possibles. « Pour autant, bien que l’éventail de solutions se soit élargi, c’est un peu toujours le même schéma contraceptif qui demeure : le préservatif à l’entrée dans la sexualité, la pilule au moment de la mise en couple, remplacée par le DIU une fois le nombre d’enfants désirés atteint », note Santé publique France.

Reste à savoir si les femmes feront un jour l’impasse totale sur la contraception orale. Si sa popularité peut continuer à décroitre, selon Jérôme Bouaziz, ses quelques avantages feront toujours des adeptes : « Même si d’autres moyens de contraception séduisent de plus en plus de patientes, la pilule reste un moyen sûr et bien toléré dans son ensemble. Les effets bénéfiques associés à la pilule sur les douleurs pelviennes, mammaires et ses résultats sur la peau (bénéfiques, précisément sur l’acné) sont des éléments très important dans le choix de cette contraception. » Bref, même si elle n’a plus le monopole dans son domaine, la pilule a encore de beaux jours devant elle.

Auteur : Mélissa Chevreuil

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