Fausse couche : un impact psychologique à ne pas négliger

fausse couche – grossesse – stress – traumatisme

Par Pauline Del Pozo, psychologue

 

En 2022, en France, une grossesse sur 4 s’interrompt dans les 22 premières semaines d’aménorrhée. Il s’agit donc d’un événement relativement fréquent et par conséquent parfois banalisé ou minimisé alors que l’impact psychologique est réel. Chaque femme, chaque couple va traverser cet événement de façon singulière mais jamais anodine. Il est essentiel que la douleur de cette perte soit reconnue, entendue et non plus passée sous silence comme c’est trop souvent le cas.

Quel que soit le stade de la grossesse, il s’agit bien souvent pour la femme et pour le couple d’une expérience difficile à vivre, parfois même traumatisante. La fausse couche représente la perte d’un futur bébé et de tous les projets dont il est porteur. Elle peut donc être vécue par certaines femmes comme un deuil et entrainer une véritable souffrance psychique.  

 

Le collectif Fausse couche, vrai vécu formé par 6 femmes engagées insiste sur l’importance de ne plus utiliser l’expression « Faire une fausse couche ». : « Parce que rien n’est faux et que tout est vrai. Parce que nous ne faisons pas les fausses couches mais les subissons » précisent-elles. Il serait donc plus juste de parler d’arrêt naturel de grossesse.  Ce collectif dénonce notamment le manque d’accompagnement des femmes qui le vivent et la solitude dans laquelle elles se trouvent.  

 

Survenant le plus souvent au cours du premier trimestre, l’interruption spontanée de grossesse est bien souvent cachée car la grossesse pas encore annoncée à l’entourage. Le silence du premier trimestre que s’imposent parfois certains couples peut les priver du soutien des proches lors de l’arrêt naturel de la grossesse et participe à rendre cet événement tabou. Les femmes qui s’autorisent à en parler sont très souvent surprises de s’apercevoir que leur collègue, leur amie, leur sœur ou même leur mère ont traversé cette épreuve et qu’elles n’en avaient jusqu’ici jamais rien dit.  

 

L’attitude de l’entourage mais aussi des équipes soignantes est très importante car les mots utilisés peuvent heurter et ajouter de la violence à la violence que représente déjà cette perte. Les discours du type : « Ce n’était qu’un embryon » ou « Vous en ferez un autre » nient la souffrance ressentie par ces femmes et ces couples.  

 

Il s’agit comme toujours d’une expérience singulière. Son vécu et son impact psychologique peuvent donc varier en fonction de l’histoire et du contexte de chaque femme. Certaines vont ressentir une profonde tristesse, un sentiment d’injustice, de colère, de culpabilité ou encore de honte. Certaines vont se sentir disqualifiées dans leur maternité. Cette grossesse qui s’interrompt brutalement peut être un réel choc émotionnel. Même en cas d’arrêt précoce de la grossesse, il s’agit bien pour certaines femmes de la perte d’un bébé et non d’un embryon. Elles avaient commencé à se projeter dans l’avenir avec leur bébé.  

 

Pour d’autres, le vécu émotionnel va être moins intense sans pour autant que l’arrêt de la grossesse soit perçu comme un événement anodin. Certaines femmes peuvent le mettre à distance, le relativiser ou le minimiser, notamment en cas d’arrêt précoce de la grossesse. Elles peuvent exprimer leur désir de ne pas rester sur un échec et d’aller de l’avant.

 

Après l’épreuve de l’évacuation de la grossesse, de façon naturelle, médicamenteuse ou chirurgicale, vient le moment de penser à une nouvelle grossesse. Certains couples ressentiront le besoin d’entamer très vite une nouvelle grossesse tandis que d’autres auront envie de se laisser plus de temps. Quoi qu’il en soit, la grossesse suivante sera bien souvent teintée d’inquiétude, particulièrement les premiers mois. La légèreté et l’insouciance auront laissé place à l’angoisse de vivre à nouveau la douleur d’une grossesse qui n’aboutit pas, d’un bébé qui n’advient pas. Le corps gardera en lui l’empreinte de cette vie qui s’y était nichée et qui s’en est allée. 

 

Une grossesse qui s’interrompt ce n’est pas rien. Sa fréquence ne devrait pas minimiser son impact mais devrait au contraire permettre de libérer la parole à ce sujet. L’arrêt de la grossesse peut être très difficile à vivre voire traumatisante et les femmes devraient pouvoir se sentir totalement légitimes à ressentir et exprimer la douleur de cette perte, quel que soit le stade de leur grossesse. Proposer un soutien psychologique aux femmes et aux couples qui traversent cette épreuve contribue à donner de l’importance à ce qu’ils vivent. 

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